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SOIGNER & PRÉVENIR




Méditations corporelles en santé mentale NEW

MEDITATION CORPORELLES EN SANTE MENTALE

  • Historique

    Il s’agit au travers d’une expérience professionnelle singulière, d’aborder les nombreux bénéfices thérapeutiques obtenus suite à la création d’un poste dédié aux Pratiques Psycho-Corporelles (PPC) dans un Établissement Public de Santé Mentale.


    ​Depuis 2009, le Centre Hospitalier Spécialisé qui m’emploie développe une proposition de soins non-médicamenteux. La redistribution des temps de travail d’agents exerçant à temps partiel a permis de constituer et dégager un poste spécifique. Ce poste, initialement mis en place pour proposer de la relaxation, a progressivement évolué vers les médiations corporelles pour finalement être totalement consacré aux pratiques psychocorporelles. Ces évolutions reflètent de façon lisible et cohérente le parcours de formation réalisé par le professionnel retenu pour ce projet. À partir de sa formation initiale d’aide-soignant, il a poursuivi un parcours original structuré autour de formations, tutorats et supervisions dans les champs de la psychopathologie, l’entretien et bien évidemment celui des PPC.


    ​Cette trajectoire, forte de l’acquisition de savoirs mais aussi de pratique quotidienne, a jeté une passerelle vers la transmission de connaissances en direction des professionnels de santé, depuis des colloques, des stages, des sessions de formations initiales jusqu’à des vacations dans l’enseignement supérieur.


    ​La mission globale du poste est de proposer, sur prescription médicale, des soins complémentaires, pour des patients de psychiatrie générale et/ou de pédopsychiatrie (principalement un public adolescent), venant de l’intra ou de l’extra-hospitalier. Les prises en charge s’effectuent dans un cadre pluridisciplinaire et s’organisent au pôle dit transversal (distinct d’un pôle d’hospitalisation complète). Une reprise clinique des éléments rencontrés en séance s’effectue avec deux psychologues référentes, une pour le pôle adulte, une pour le pôle infanto-juvénile. Un bilan spécifique et détaillé de l’activité est réalisé chaque année, permettant d’en rendre compte.



    " la relaxation reste un des éléments


    fondateurs dans la prise en charge des


    troubles psychologiques et/ou


    psychiatriques "

  • Une orientation théorique : l'ouverture

    Le recours à la relaxation dans le champ de la psychiatrie n’est plus à démontrer et, au regard des décennies passées à son usage, elle reste un des éléments fondateurs dans la prise en charge des troubles psychologiques et/ou psychiatriques. Elle témoigne d’ailleurs de l’évolution des pratiques au fil du temps, comme des choix thérapeutiques mobilisés, ce qui est également le cas dans l’expérience présentée. Ces dernières années, elle s’inscrit souvent dans une approche cognitive et comportementale. Mais rien n’empêche qu’elle se conjugue avec un courant analytique ou humaniste [CF- tableau « mise en perspective des différents courants théoriques P6], à condition que le professionnel justifie de formations adéquates et de pratiques éprouvées. Elle peut ainsi élargir les possibilités d’intervention au plus près de la demande du patient et du choix du prescripteur.


    Le décloisonnement des différentes références théoriques liées aux pratiques laisse entrevoir le dépassement des dualismes psychothérapeutiques. Dans cette perspective il est plus aisé d’intégrer, avec de possibles ajustements, une discipline traditionnelle comme le yoga parmi les supports de soins psychiatriques. C’est dans le même esprit que le toucher élément indissociable du développement psychomoteur chez l’individu, peut lui aussi enrichir la proposition de soin.


    ​Au décours de cette trajectoire particulière sus-citée, les supports de médiations thérapeutiques sont venus augmenter l’offre de soin :


    ​Relaxations de type Schultz, Jacobson, Wintrebert, Sapir et Yoga-Nidra,

    Méditations de type Mindfullness et yoguique,

    Toucher de type massage assis,

    Yoga,

    Cohérence cardiaque,

    Et l’hypnose conversationnelle comme substrat relationnel pour favoriser l’alliance thérapeutique et déterminer le choix d’un support technique au premier entretien.

    Le champ thérapeutique a intégré dans sa culture la notion de « bénéfice/risque ». C’est à ce titre qu’il faut entendre que la démarche considérée ici, quelles que soient les techniques engagées, passe par une phase d’évaluation institutionnalisée, et respectueuse du cadre thérapeutique, individuel et/ou collectif.


    Ces moyens posés, dans un cadre institutionnel imparti, ont été mobilisés pour offrir des réponses à des besoins aussi différents que :


    ​mettre en place de nouvelles prises en charges individuelles et groupales (la prise en charge groupale s’effectue en binôme),

    proposer au patient hospitalisé une transition qui fasse lien vers sa sortie, pouvant au besoin se prolonger après un retour au domicile,

    proposer un lien semblable pour l’adolescent qui, au seuil de sa dix-septième année, migre vers la psychiatrie adulte avec toutes les conséquences réelles, symboliques et/ou imaginaires que cela comporte. 


    Cette période est souvent critique et le lien alors proposé peut alors avoir la fonction de « re-père » dans une lecture transférentielle,

    offrir aux médecins, psychologues ou thérapeutes la possibilité de travailler communément à l’intégration de la dimension corporelle, parfois absente des psychothérapies classiques.

    fournir une lecture psycho-corporelle des éléments partagés en séance, pour optimiser la prise en charge de la personne, dans une vision collégiale et plus globale,

    constituer ou conforter différents partenariats (les services intra-hospitaliers et différents Centres Médico-Psychologiques, Centre de Traitement de l’Anxiété, Arthérapie, Ergothérapie, Sport adapté, Maison des Adolescents, Maison d’Accueil Spécialisée, Education Thérapeutique et à la Santé), en favorisant une culture de création de projets « sur mesure »,

    toujours en partenariat avec l’équipe de la structure référente (CMP par ex.), créer un dispositif pouvant se présenter comme une alternative à l’hospitalisation. Dans la même perspective, il peut aussi s’agir de différer ou de raccourcir une hospitalisation,

    participer à la réduction significative des traitements et de leur durée, pour les personnes atteintes de troubles anxio-dépressifs, comme cela à été évalué dans l’établissement,

    fournir une alternative à une contre-indication de prescription allopathique : grossesse, d’hépatite, etc. (voir vignette),

    proposer des supports de soins attractifs,

  • Indications des pratiques en milieu insitutionnel

    Les indications et contre-indications sont spécifiques à chaque technique. 


    Leurs dispensations comme support de soin en santé mentale comportent aussi des précautions d’usages. Si, par exemple, les vertus du sport ne sont plus à démontrer, pour autant les demandes de patients anorexiques pour pratiquer de la gymnastique tonique, voire celles de sujets à profil psychopathique souhaitant pratiquer des sports de combats sont fréquentes dans les institutions, et appellent à une certaine réserve. 


    Si la démarche d’accompagnement pour reformuler la demande semble aller de soi, il est néanmoins crucial de posséder une connaissance suffisante des supports proposés. Il en va du sport comme des relaxations, les méditations, le yoga, le toucher et la cohérence cardiaque …


    ​Des contre-indications constantes sont identifiables, englobant toutes les techniques listées :


    état de crise ou d’agitation,

    troubles psychotiques avec risques de dissociation et/ou intense sentiment de persécution,

    composante érotomaniaque,

    incapacité du sujet à se représenter ce qui lui est proposé.

  • Modalités des pratiques

    Suite à la prescription, le patient est reçu pour un premier entretien ; c’est l’occasion de formaliser différents éléments qui l’orienteront vers un support technique à privilégier.

    Le ou les supports sont à déterminer en fonction de 4 éléments :


    la demande du sujet et ses attentes,


    l’histoire de la personne,


    sa pathologie,


    ses canaux sensoriels de communication privilégiés.


    La communication hypnotique est alors d’une grande ressource : le patient présente des éléments dans son discours qui sont autant « de pistes » à mémoriser pour la suite de la prise en charge. C’est au premier entretien que se détermine, au travers du langage de l’autre, quelle est « la porte d’entrée » principale qui lui permet d’élaborer sa réalité en utilisant ses cinq sens : 


    Visuel, Auditif, Kinesthésique, Olfactif ou Gustatif.


    Que ce soit lors des séances ou lors de reproduction autonome d’exercices :


    si le patient se présente comme plutôt « visuel », quel que soit la technique, des visualisations seront utiles, qu’il s’agisse de couleurs, de formes, d’images ou de scénario plus complexe : le training autogène de Schultz et la relaxation à induction variable de M. Sapir proposent des images, tout comme le yoga-nidra ;


    pour l’ « auditif » le son sera primordial, s’agissant de sons à l’extérieur de la pièce ou à l’intérieur de la pièce, du son à l’intérieur du corps, du son de son propre souffle (surtout si le sommeil guette), de la voix ou de musique. Nous retrouverons cet élément dans toutes les techniques listées sous différentes formes ;


    pour le « kinesthésique » le mouvement ne peut être écarté. La dimension posturale du yoga ou la relaxation progressive d’E. Jacobson peuvent toutes deux être des recours de premiers choix. Si une composante tactile est présente dans la dimension kinesthésique, le massage, l’auto-massage, le toucher ou les mobilisations passives sont des directions de choix, mobilisations passives présentes dans la première phase de la relaxation activo-passive d’H. Wintrebert. Cette méthode initialement destinée aux enfants présente, avec certains aménagements, de nombreux intérêts pour diverses problématiques adultes ;


    pour le « gustatif », l’appel à des sensations de « mobilisation des mâchoires, comme pour croquer dans un fruit frais, et ensuite de déglutir en goûtant sa propre salive… » ou manger en pleine conscience sont très prisées ;

    pour l’ « olfactif », l’aromathérapie (sous réserve d’une formation minimum du soignant car les précautions d’emploi sont nombreuses) est sans égale pour raccorder la personne à l’instant: un parfum nouveau peut être mis en lien avec des expériences nouvelles (mobilisant positivement la plasticité neuronale).


    Pour résumer, le premier entretien est donc un temps fort qui conditionnera la suite de la prise en charge, conservant la notion d’incertitude dans la proposition de soin, qui aide le soignant à ne pas s’enfermer, et donc ne pas enfermer le patient dans une direction, quelle que soit la PPC choisie.

  • Cadre des séances

    Suite au premier entretien, les séances se déroulent toujours dans le même lieu, avec le même intervenant et à fréquence, si possible, régulière. La reproduction régulière des différents éléments du cadre est un facteur essentiel, favorisant notamment le sentiment de sécurité. Ceci est commun à toutes les PPC, mais aussi aux thérapies en général. Cinq séances sont réalisées pour ensuite partager un bilan.


  • Recul et temporalité

    Bien que des temps de verbalisation ou d’entretien aient lieu à chaque séance, le bilan est lui uniquement consacré à une mise en mots, à distance de la pratique choisie, effectuant un pas de coté sans l’appui du support matériel, que le patient a investi de façon posturale, que ce soit debout sur un tapis (pour le yoga), assis sur une chaise ergonomique (pour le toucher) ou allongé sur un matelas (pour les relaxations plus classiques).


    C’est un temps pour prendre du recul, qui peut s’effectuer en partenariat avec un référent médical ou para-médical du patient. Cette triangulation éventuelle de la relation est aussi une aide précieuse à la prise en charge, selon les possibilités en œuvre.



    La prise en charge doit s’inscrire dans le temps : en découlera une prolongation, le passage d’un support technique vers un autre ou une fin de prise en charge. C’est aussi l’occasion d’évaluer, de favoriser l’auto-évaluation du patient, mettant en perspective les expérimentations des séances avec les attentes initiales.

  • Limites et difficultés eventuelles

    C’est l’implication ou la disponibilité insuffisante du patient, ne pouvant alors s’autonomiser dans sa pratique, dans le cas d’une technique reproductible, qui va souvent signer les limites voire les difficultés rencontrées dans la pratique.


    Cette limite apparaît lors de la phase d’autonomisation ou lors de l’abaissement, voire de la disparition des symptômes. Plus rarement, cela concerne la situation du patient en hospitalisation sous contrainte ou obligation de soin, pour qui la prise en charge est alors imposée. Dans ce cas, la démarche est souvent peu, ou pas du tout efficace.


  • Conclusion

    La démarche volontaire de l’établissement de spécialiser un agent est un investissement significatif. Cette démarche permet aujourd’hui que les PPC se déclinent dans une offre étoffée de soins personnalisés.


    On peut y voir la volonté d’un établissement d’enrichir l’offre de soins en santé mentale, là où la psychiatrie publique traverse une ère agitée, parent pauvre d’une médecine en pleine transformation.


    Maintenant intégrée à part entière dans l’institution, souhaitons que cette expérience inspire d’autres établissements, pour permettre aux patients relevant du secteur psychiatrique de bénéficier de ce type de soin complémentaire.



    Références bibliographiques

BIBLIOGRAPHIE

Toucher/Massage:   

« Le toucher apprivoisé », Pascal Prayez et Joel Savatofski, série relation soignant-soigné. Édition Lamarre, 1989.

« Le toucher en psychothérapie » Pascal Prayez. Édition Desclée de Brower, 1995.

« Toucher affectif et estime de soi des personnes âgées » dossier de Bourdeault Andréa et Ntetu Lubumba. Édition ARSI. Recherche en soins infirmier N°86, 2006.

Relaxation: 

« La Relaxation » de Philippe Brenot, collection Que sais-je? Éditions PUF, 2003.

«  Relaxation et Méditation » Dominique Servant, Édition Odile Jacob, 2007.

«  La relaxation une psychothérapie d’avenir », coordonné par Yves Ranty, Éditions l’Harmattan, 2010.

« Entre mots et toucher, le corps en transfert » Yves Ranty et Coll, 2010.

«La relaxation à induction variable » Michel Sapir, Édition La pensée sauvage, 1993.

« La relaxation »Robert Durand de Bousingen, Édition P.U.F 1969.

« Relaxations thérapeutiques » Marc Guiose, Édition Heures de France, 2007.

Méditation:  « Où tu vas, tu es » du Pr Jon Kabat-Zinn, Édition J’ai lu, 2005.

Yoga:  l’ensemble des écrits d’André Van Lysebeth et,

« Yoga Nidra », Swami Satyananda, Editions Satyanandashram, 2011. 

« Le yoga, bien vivre ses émotions » Lionel Coudron, éditions Odile Jacob, 2006.


Rédacteur de l'article


Yvan HACHEREZ

 Intervenant en Pratiques Psychocorporelles au Centre de Traitement de l’anxiété au Centre Psychothérapique de l'Orne  Alençon.

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